VOILE: ÉLECTROLYSE QUAND TU NOUS TIENS!

Electrolyse, vous avez dit, électrolyse ?

Chaque matériau de construction de coque possède ses avantages et ses inconvénients. Au contact de l'eau, le bois pourrit, le plastique se cloque (osmose), l'acier rouille et l'aluminium, si l'eau est salée, est soumis à l'électrolyse. Redoutable pour certains et à juste titre (je connais un propriétaire qui a dû refaire tout le dessous de sa coque alu), l'électrolyse est traitée avec méthode et sérénité par d'autres (je donne souvent l'exemple de ce propriétaire d'un Romanée qui relève 0 problème après près de 30 années alternant tours du monde et séjours prolongés en marina).
Somme toute, l'électrolyse est un phénomène naturel tout comme la perte des cheveux mais ce n'est pas une raison pour devenir chauve ! Phénomène physique qui a été systématisé par Volta vers 1800 pour produire de l'électricité à partir d'une pile. Mais n'allons pas trop vite en besogne!


Pourquoi pas un article plus tôt sur cette question fondamentale pour un site qui s'intéresse aux voiliers en alu ? En dehors du manque d'espace libre sur le site précédent, la première raison est que tout le monde n'est pas d'accord sur la stratégie à adopter face à l'électrolyse. Ensuite, le risque est que les considérations qui vont suivre pourraient être prises pour une assurance infaillible contre l'électrolyse. Ce n'est pas le cas ! Chaque voilier est particulier. Son comportement face à l'électrolyse va dépendre de la qualité du matériau : il existe différentes sortes d'aluminium. Il va dépendre de la mise en oeuvre du matériau, de son plan. Je pense en particulier à certaines coques dont les formes dans les fonds favorisent l'eau stagnante. Vient ensuite la manière dont on a posé le lest, le moteur, le circuit électrique, la peinture s'il y en a sur la coque. Le choix de l'antifouling a bien sûr son importance. 

L'électrolyse peut également toucher le pont : ici c'est le type et l'état du revêtement de pont (quand il y en a un) qui vont jouer leur rôle. Ce n'est pas fini ! Le soin apporté par le propriétaire est également primordial! On ne le répètera jamais assez : les fonds doivent être nettoyés régulièrement, être maintenus secs. L'idéal est d'ailleurs de ne pas les peindre pour pouvoir mieux les inspecter quand on ouvre les coffres et que l'on soulève les planchers. Il faut penser à couper le courant chaque fois que l'on quitte le bord pour un moment. Il faut veiller à la propreté des pendanodes et vérifier leur continuité électrique avec la coque : on voit trop souvent des câbles rouillés, mal boulonnés retenir les anodes suspendues. Il faut encore ajouter une évidence : tous les voiliers alu ne séjournent pas dans les mêmes conditions. Il n'y aura aucune commune mesure face au risque électrolytique entre un voilier qui hiverne à sec et un autre qui passe le plus clair de son temps dans une marina fermée avec présence de métaux plus noble que l'alu, je pense en particulier à la présence de cuivre.

Tout cela pour dire qu'il n'y a pas de remède miracle ou universel !

Commençons donc par revenir au point de départ: l'électrolyse en tant que phénomène naturel. Reprenons l'expérience de Volta. Soit un récipient [en verre (;-) ] rempli d'eau pure [exemple: eau pour fer à vapeur]. Plongez y une lame de zinc et une lame de cuivre. Reliez chaque lame métallique par un fil sur un voltmètre. Que se passe-t-il ? RIEN. Pour que quelque chose se passe, il va falloir remplacer l'eau pure par un ELECTROLYTE. Les électrolytes acides sont les plus connus (c.f les batteries de nos voitures et celles de nos voiliers) mais une solution saline fait tout aussi bien l'affaire. A ce niveau là, la mer est généreuse. Reprenons l'expérience avec de l'eau salée. Cette fois, nous constatons une déviation de l'aiguille du voltmètre. Il y a une différence de potentiel électrique, il y a une tension entre la lame zinc et celle de cuivre. Nous sommes bien en présence d'un courant électrique. Il est dû à la circulation des électrons entre les deux lames. Conventionnellement on dit que le courant circule du plus vers le moins mais pour bien comprendre la suite, il faut savoir qu'en réalité, les électrons se déplacent de l'anode (électrode négative) vers la cathode (électrode positive). Dans notre exemple, nous avons pris une électrode en zinc et une en cuivre mais nous aurions ou prendre d'autres sortes de métaux. Ces différents métaux sont classés sur une ECHELLE GALVANIQUE en fonction de leur potentiel. En haut de l'échelle, nous avons les métaux les plus nobles tels que l'or ou l'argent ; en bas de l'échelle, nous trouvons le zinc ou l'aluminium. Dans notre exemple, le cuivre étant plus noble que le zinc, l'électrode en zinc va se désintégrer et venir se déposer sur l'électrode en cuivre.

Transposons cette expérience en milieu marin et tant qu'on y est imaginons notre coque alu dans un bassin rempli d'eau de mer avec de ci, de là des éléments métalliques immergés présentant un potentiel électrique plus élevé. Fort heureusement, si on parle de faire des ponts d'or, de mémoire de marin, on n'a encore jamais vu de pontons en or !

Le bassin, c'est le récipient ; l'eau de mer, c'est l'électrolyte ; notre coque en alu c'est l'anode ; les éléments immergés à proximité de la coque forment la cathode. C'est bien parti pour accomplir au fil du temps la désintégration de la coque. Elle finira creusée de cratères qui deviendront des trous: on imagine la suite. Si maintenant nous laissons pendre autour de cette coque alu une masse métallique en zinc que nous relions électriquement à la coque, que va-t-il se produire ? La masse de zinc a un potentiel moins élevé que l'aluminium : elle devient l'anode tandis que l'aluminium devient la cathode. Ce n'est donc plus la coque qui va se désintégrer mais cette masse de zinc. D'où l'intérêt des pendanodes et des anodes en général que l'on place dans les zones à risques (exemple : en extrémité d'arbre d'hélice).

Jusque là, tout va bien car nous avons pris l'exemple d'un voilier qui serait dépourvu de batteries à bord. Il paraît qu'il y en a encore...Si nous prenons l'exemple le plus courant (n'oublions pas que ce site est consacré à l'OVNI 28), on va le voir, notre système d'anodes sacrificielles ne va plus suffire à protéger notre brave voilier. Là, il faut que je vous raconte un souvenir d'enfance. Mon père était artisan couvreur et dans son atelier traînaient des bouts de cuivre, des clous en fer, de l'acide, des vieux bidons en plastique et un chargeur de batteries pour le fourgon Renault Galion. J'étais nul en physique chimie mais j'adorais les expériences. Je m'amusais donc à cuivrer des clous. Je mettais un peu d'acide dans l'eau du fond de bidon, je suspendais un clou, un bout cuivre chacun relié à un fil électrique. Pour que ça marche (et ça marchait), il fallait que le cuivre soit relié au plus et que le fer soit relié au moins. En somme, grâce à la circulation électrique, j'inversais le processus naturel qui, en l'absence de courant, aurait dû normalement faire migrer les atomes de fer vers le cuivre.
Transposons à notre voilier. Coque alu qui ne doit surtout pas être en contact avec le plus de la batterie sinon elle risque de se comporter comme mon bout de cuivre. Donc prévoir une coupure générale sur le plus et pourquoi pas, puisqu'on ne peut pas toujours tout couper, prévoir une coupure sur le plus de chaque appareil électrique. Pour être encore plus certain que la coque aura toujours un potentiel négatif, on pourrait même imaginer de la relier au moins de la batterie mais alors, que se passera-t-il si jamais un plus se trouve en contact avec la coque par usure de la gaine d'un conducteur ou par inadvertance ?

Une autre solution serait d'isoler totalement la coque. Toute l'installation électrique devra être bipolaire y compris les accessoires électriques du moteur (démarreur, alternateur...). Coque, moteur, arbre, hélice. Tout cela forme un bloc. Si jamais il traîne du courant de fuite positif, ce n'est pas très bon non plus...

Que faire alors ? Il faut faire preuve de pragmatisme. Je citerai Dali au passage : "La perfeccion no se tiene nunca" que l'on peut traduire par " la perfection n'existe pas ". On va tout faire et très consciencieusement pour que l'isolation électrique soit parfaite mais on va quand même installer une solide tresse de masse entre le moins de la batterie et la coque ! Pour savoir à tout moment où on en est et pour la tranquillité d'esprit, prévoir un petit système (milliampère mètre ou loupiotte) qui une fois le plus de la batterie coupé permettra de vérifier s'il n'y a pas un courant de fuite positif qui circule.

Protégé par ses pendanodes, ses anodes, une installation électrique adaptée, un moyen de contrôle permanent, on peut prédire une longue vie à nos coques alu sous réserve de suivre toutes les autres recommandations citées plus haut.

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